Avec un arrière-grand-père, une grand-mère, un grand-père et un père tous cheminots, il n’y a aucun doute sur le pedigree de Jean-Pierre Moreau, cheminot épris de patrimoine ferroviaire.
Pour Jean-Pierre Moreau, référent électrique des pièces déposées d’Autorails à Grande Capacité (AGC) des Transports Express Régionaux (TER) au Technicentre Industriel SNCF du Périgord, chaque objet a une histoire. Précisons que l’homme représente la quatrième génération d’une famille hautement cheminote. Lorsque son père a pris ses fonctions de chef de gare à Ballancourt-sur-Essonne (Essonne), Jean-Pierre était âgé d’un mois, c’est dire s’il est tombé tout petit dans la marmite du train… Son arrière-grandpère travaillait aux ateliers SNCF de Villeneuve- Saint-Georges dans le Val-de-Marne, et sa grand-mère en était la chef de groupe administratif. Son grand-père, lui, était un conducteur de trains, basé au dépôt du Charolais, gare de Lyon à Paris dans le XIIe arrondissement. Un beau jour, Papa Moreau offre à son jeune fils son costume et sa casquette de chef de gare. En 1978, au moment de partir à la retraite, son grandpère fait de même en lui donnant en plus, cerise sur le gâteau, sa sacoche et tous les accessoires du parfait cheminot. Et la passion pour le train naît tout naturellement chez le garçonnet. Celui-ci fait déjà des photos du monde ferroviaire qui l’entoure. Des années plus tard, ses grands parents s’étant retirés à Sarlat en Dordogne, et lui-même devenu cheminot en 1990 au dépôt de Montrouge dans la banlieue parisienne, il demande sa mutation en 1999 pour la Dordogne, à l’UO Infra de Chamiers d’abord, puis au Technicentre Industriel du Périgord à Périgueux.
« Chaque objet a une histoire »
A 20 ans, il se met à collectionner des pièces historiques ferroviaires en tout genre. Depuis peu, il a recentré sa collection sur les différents métiers des cheminots, des régions du sud de la France, et ce, depuis la création du chemin de fer jusqu’au début des années 1980, période marquée par l’arrivée du TGV qui symbolise le virage de la modernité pris par la SNCF. « Tous ces habits et tenues, ces outils et ces objets ont été portés, utilisés par les mains des cheminots. Ils racontent une histoire, une époque, une façon de travailler dans le chemin de fer. Derrière les métiers exercés au sein de la SNCF, il y a des femmes et des hommes à qui j’ai voulu faire honneur en sauvegardant tout cela », explique Jean-Pierre Moreau. Son unique but ? Être un passeur de mémoire dévoué et préserver le patrimoine cheminot. C’est ainsi qu’au fil des années, il a constitué une remarquable collection d’objets ferroviaires. Il possède notamment une soixantaine de lanternes de toutes sortes. Bien sûr, il y a les belles, celles faites en laiton, fixées à l’avant des locomotives à vapeur et qui éclairaient fièrement la voie ferrée. Mais il n’a pas négligé leurs “soeurs”, les lanternes à main que les cheminots portaient, « des lampes à huile, à pétrole, ou au carbure de tungstène ». Patiemment constituée au gré des trouvailles, la collection de ce passionné est riche de costumes et de casquettes, et ce avec des spécimens de toutes les époques, y compris l’âge d’or du PLM (1857-1938), la fameuse Compagnie du Chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée
Le tailleur bleu de l’hôtesse des TAC
Le trésor de Jean-Pierre se décline également au féminin, avec des chapeaux et des coiffes pour dames, ou encore ces tailleurs de couleur bleue que portaient les cheminotes- hôtesses du service des Trains Auto-Couchettes (TAC), de 1960 à 1970. Et bien sûr, notre ancien cheminot a glané de la précieuse vaisselle arborant les armes de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits (CIWL). L’ensemble s’enrichit de moult documents et photos, dont certaines qu’il a prises lui-même car il est aussi un chasseur d’images (lire plus loin). Le « voyage au bout de ses rêves » sera abouti lorsqu’il construira son propre réseau miniature pour y faire circuler ses modèles réduits, un projet pour sa future retraite. « Le train me passionne encore et toujours pour ses nombreuses facettes techniques, sociales et aussi pour l’humanité qui s’en dégage car, dès son apparition, ce moyen de transport a apporté énormément de progrès – et de bien-être si on pense aux trains des congés payés à partir de 1936 – aux Français. Tous ces objets représentent quarante années d’études et de recherches. Un jour peutêtre, ma collection sera reprise et mise en valeur dans un musée ou une association. C’est mon souhait », confie-t-il.
Bénévole à 100 % au service du patrimoine du chemin de fer
Collectionneur et passeur de mémoire, Jean-Pierre Moreau est aussi le président du très actif Photo-Club SNCF de Périgueux, affilié à l’Union artistique et intellectuelle des cheminots français (comité Sud-Ouest). Enfin, depuis une dizaine d’années, il est bénévole au sein de l’association qui gère la Cité du Train- Patrimoine SNCF à Mulhouse. « Je m’y suis rendu à plusieurs reprises pour res- taurer du matériel historique ou assurer des visites guidées », témoigne-t-il. A la demande d’associations qui le sollicitent, il donne des conférences et expose une par- tie de sa collection en fonction des sujets et des époques abordés. Heureux de parler de ce monde historique des cheminots (« Etonnamment peu connu du grand pu- blic », déplore-t-il), il crée pour cela des ta- bleaux à thème, un moyen d’amorcer un dialogue avec le public. Cela donne lieu à « des échanges très enrichissants autour d’objets parfois insolites et totalement ignorés des non cheminots et des jeunes générations. » Comme les billets de train Edmondson, imprimés sur du carton, apparus en 1840 et baptisés du nom de leur inventeur anglais. « Il faut voir les visages des ados, eux qui payent au- jourd’hui leur voyage d’un simple clic sur l’écran de leur smartphone, lorsque je leur montre ces billets ! », s’amuse-t-il. « Pour eux, c’est une totale découverte et je suis heureux de pouvoir en raconter l’histoire. » Transmettre, encore et toujours.
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