Avec Silence sur le quai, les auteurs Alain Bujak et Elliot Royer tentent d’emprunter la ligne des Causses. Sorti le 9 octobre dernier, ce roman graphique nous emmène dans cette France où les trains se font de plus en plus rares.
Tracée dans une des régions les moins peuplées de France, la ligne des Causses est particulièrement belle. De Béziers à Neussargues, elle déroule ses presque 300 km sur un profil sévère, qui donne à la ligne la réputation d’être difficile pour les cheminots. Inaugurée à la fin du XIXe siècle, elle est le trait d’union ferroviaire entre les plaines et les hautes terres des Causses. Les rails de cette ligne historique surmontent des défis géographiques impressionnants. La voie ferrée s’accroche aux flancs escarpés des gorges du Tarn et assure le lien entre l’espace méditerranéen et la moyenne montagne du Cantal.
Les ouvrages d’art y sont nombreux. Ainsi, le célèbre viaduc de Garabit, chef-d’oeuvre de la révolution industrielle signé par Gustave Eiffel, enjambe la vallée de la Truyère. Une bande dessinée, Silence sur les quais, arrivée dans les librairies le 9 octobre dernier, plonge les lecteurs dans l’histoire de cette ligne et dans le quotidien des habitants qu’elle dessert. Les deux auteurs, Alain Bujak et Elliot Royer, pointent les angles morts de l’aménagement du territoire. Ils se font aussi l’écho du sentiment d’abandon qui touche parfois cette région isolée. Mais certains ont choisi de lutter pour préserver cette infrastructure ferroviaire.
Dans le Massif central, des élus et des habitants se mobilisent depuis plusieurs années pour sauver la ligne et demandent que soit régénérée une partie de l’infrastructure entre Béziers et Clermont-Ferrand. Faute de quoi cette ligne, qui comprend un des monuments ferroviaires les plus célèbres du pays, le viaduc de Garabit construit, sera fermée. L’Etat a préféré investir massivement dans la route et l’A75, gratuite, qui concurrence directement le train. La ligne est stratégique pour l’usine centenaire d’Arcelor Mittal à Saint-Chély d’Apcher, où est fabriqué un matériau haut de gamme, utilisé entre autres pour la motorisation des véhicules électriques. Maillon essentiel de la ligne Paris- Béziers, le train de l’Aubrac est aujourd’hui l’ombre de lui-même. Sur le parcours, ils rencontrent des élus, des cheminots et des habitants qui se mobilisent pour sauvegarder le service ferroviaire, rappelant que le train permet de préserver les enjeux environnementaux.
Ainsi, les auteurs sont reçus par Patricia Rochès, maire de la commune de Coren-les-Eaux (Cantal) et présidente-fondatrice de l’association des Amis du viaduc de Ga07rabit (Amiga). A Sète, ils échangent avec un ancien ministre des Transports. Jean-Claude Gayssot a occupé ce poste de 1997 à 2001 dans le gouvernement de la gauche plurielle dirigé par Lionel Jospin.
Aujourd’hui, président du port de commerce de la ville de naissance de Georges Brassens, le communiste revient sur la privatisation des autoroutes et sur le combat pour le financement des petites lignes. Trains annulés, retards inexpliqués, travaux fréquents… c’est, selon ces partisans du fer, la conséquence de la casse du service public sur l’autel de la rentabilité. Ils pointent du doigt des années de sous-investissement et une volonté politique de démanteler le réseau français. De rencontre en ren- contre, le lecteur suit le combat de ces hommes et de ces femmes pour la sau- vegarde de leur ligne de chemin de fer. Cette mobilisation longue de 30 ans n’a pas été vaine.
L’ancien ministre des Transports, Clément Beaune, a annoncé le 29 août 2023 la régénération d’une partie de la ligne des Causses. 41 mil- lions d’euros pour réhabiliter 25 km de voies dans le Cantal. De récents travaux de modernisation de la voie, sur la ligne Béziers – Neussargues, ont permis de renouveler des composants de la voie (rails, traverses et ballast), de régénérer des ouvrages hydrauliques et de sécuriser des parois rocheuses qui longent la voie afin d’éviter les chutes de pierres.
Silence sur le quai. Récit d’Alain Bujak. Dessin de Elliot Royer. Futuropolis. (2024) Prix : 19 euros.
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